La Grotte Cosquer : ouverture !

Sarah Sergent
08/2022
© Christophe Biraud

COSQUER MÉDITERRANÉE

LA PRÉHISTOIRE VERSION 2.0

« Cosquer Méditerranée » est le nom du tout nouveau site culturel marseillais, ouvert au public en juin dernier, dans la Villa Cosquer Méditerranée, située à proximité immédiate du Mucem. Il abrite la réplique de la Grotte Cosquer, site majeur du Paléolithique supérieur.

1985 : La découverte
En 1985, le plongeur professionnel, Henri Cosquer, découvre à 37 m sous l’eau, l’entrée d’une galerie. Après plusieurs tentatives, il parvient sur la plage d’une caverne et ose retirer son détenteur. « J’y suis allé plusieurs fois jusqu’au jour où je suis tombé sur une main …/… au départ, j’ai cru à des tags / mais sur la pellicule sont apparues six autres mains », raconte-t-il. Dans les milieux des plongeurs la nouvelle circule. Certains s’y risquent, mais la noyade de trois d’entre eux, en 1991, précipite la révélation de l’existence de la grotte. Henri Cosquer déclare aussitôt sa découverte aux autorités maritimes. Le site est alors sécurisé et interdit aux plongeurs non-accrédités par le Ministère de la Culture.

1991 : l’authentification
Une première expertise est menée, conduite par le préhistorien Jean Courtin. À partir de prélèvements de charbon de bois, ils établissent une première datation. Il s’agit d’un site paléolithique. Le 2 septembre 1992, la grotte est classée au titre des monuments historiques.

La topographie
La grotte est constituée de deux grandes salles, de nombreux diverticules difficiles d’accès, et d’un grand puits noyé́ de 24 m de profondeur qui occupe le fond de la deuxième salle. Les stalagmitiques et stalactitiques sont abondants. Les 4/5e des parois sont déjà et malheureusement sous l’eau. Les zones non inondées sont couvertes de gravures, de tracés digitaux et de dessins.

Des investigations toujours en cours
Le travail de numérisation a commencé́ en 2010. Des relevés au scan laser et par photogrammétrie, avec une définition inframillimétrique, ainsi qu’une couverture photographique haute résolution, ont permis de constituer une banque de données pertinentes pour envisager une restitution. En 2014, le nombre total de figures identifiées atteignait 513, soit une centaine de plus que lors du recensement de 2003.
Les fouilles à venir répondent à plusieurs objectifs : assurer le suivi sanitaire de la Grotte, préciser la chronologie des activités humaines, analyser l’originalité́ de Cosquer par rapport aux autres grottes préhistoriques françaises.

Il était une fois
30 000 ans avant notre ère, au Cap Morgiou, le niveau de la mer était 120 m plus bas qu’aujourd’hui, le rivage se situait à 12 km de l’entrée de la grotte, laquelle était au sec. Des groupes d’Homo sapiens fréquentaient alors le site et y ont laissé des empreintes de mains. Des générations plus tard, d’autres Homo sapiens ont dessiné sur les mêmes parois, des chevaux, des aurochs, des cervidés, mais aussi des pingouins et des phoques. La majorité des œuvres ont été gravées au silex ou avec les doigts, une cinquantaine ont été dessinées au charbon de bois, une dizaine associent gravure et charbon. Du pigment rouge a été utilisé́ pour les empreintes de mains. Les datations au carbone 14 permettent d’appréhender les périodes principales d’occupation de la Grotte correspondant à la réalisation des œuvres, soit entre – 33 000 et -19 000.

Quelles sont les figures représentées ?
On dénombre 11 espèces d’animaux, cheval, aurochs, bison, cerf-mégacéros, bouquetin, chamois, antilope saïga, phoque, pingouin et poisson. Les animaux les plus représentés sont le cheval, le bouquetin, le chamois et l’antilope saïga, le bison et l’aurochs, le cerf- mégacéros, un félin figuré de trois quarts et des représentations de phoques, poissons et pingouins, plus des formes encore non identifiées.
Les pingouins vont devenir emblématiques de « Cosquer Méditerranée », tant ils sont rares. Leur présence a même fait douter de l’authenticité́ de la grotte, car pour la première fois, des oiseaux marins figuraient sur les murs d’un site paléolithique. Des pingouins en Provence en plus ? Hé oui, il y a 30 000 ans, au Paléolithique supérieur, durant la dernière glaciation, le climat provençal était rude. La scène montre deux grands pingouins dessinés au charbon de bois se font face, qui semblent se quereller pour une femelle pingouin, plus petite.
Les représentations humaines sont peu nombreuses. La plus étrange est cette silhouette qui git au sol, à tête de phoque, comme traversée par une lance, répertoriée sous le nom de « l’homme tué ». On trouve aussi des symboles sexuels.
Plus d’une soixantaine d’empreintes de mains négatives rouges et noires ornent les parois. Détail troublant, nombre d’entre elles sont amputées de phalanges. Il y a aussi des mains d’enfants.

La réalisation du fac-similé
Modélisation 3D, découpage de la grotte en six écailles, reconstitution des parois en béton, fabrication des panneaux ornés en résine, restitution de l’aspect de la roche et reproduction des dessins et gravures : chaque étape requiert des savoir-faire spécifiques. Pour l’essentiel, la plupart des entreprises en charge du projet ont déjà̀ travaillé sur des projets similaires, notamment la réplique de la Grotte Chauvet.

« Cosquer Méditerranée » s’adresse aux fans d’Histoire, aux férus de plongée sous-marine, aux curieux, aux touristes de passage, adultes et enfants confondus ! À la visite de cette grotte 2.0, viennent s’ajouter un film sur la découverte, un espace scénographié, dédié à la plongée sous-marine, ainsi qu’un parcours d’interprétation sur la Préhistoire et la montée des mers. Passionnant et ludique !